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March 29, 2024
POLITIQUE

«Je déplore le retard qui a été pris»

  • mars 9, 2014
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«Je déplore le retard qui a été pris»

PIERRE BUYOYA, HAUT REPRÉSENTANT DE L’UA AU MALI ET POUR LE SAHEL À PROPOS DE L’INTERVENTION EN CENTRAFRIQUE

«Je déplore le retard qui a été pris»

L’ancien Président Burundais, Pierre Buyoya, actuel Haut Représentant de l’Union Africaine au Mali et pour le Sahel passe en revue, dans cette interview, les sujets brûlants de l’actualité africaine. De son rôle au Mali à la crise centrafricaine, Pierre Buyoya dit tout sans oublier de faire le bilan rétrospectif de son passage à la tête de son pays.

[box type=’error’]Y a-t-il une vie après la prési- dence de la République selon vous ?[/box]

Je peux confirmer qu’il y a une vie après la Présidence et j’en suis un exemple. Il y a plus de dix ans, précisément en avril 2003 que j’ai quitté mes fonctions de chef d’Etat et j’ai beaucoup travaillé. Ce que j’ai fait ces dix dernières le prouvent aussi. En effet, j’ai travaillé pour les organisations internationales, pour la Francophonie et dans beau- coup de pays d’Afrique comme la Mauritanie, le Ghana et la Centrafrique. J’ai également travaillé pour le compte de l’Union Africaine. Cela fait cinq ans d’affilée que je travaille pour l’Afrique. Depuis 2009 par exemple, je suis membre du panel de haut niveau sur le Soudan. Et depuis Octobre 2012, j’occupe les fonctions de Haut Représentant de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel.

[box type=’error’]Qu’est-ce qui fait vous tra- vailler ainsi quand on sait que le rythme de travail d’un Chef d’Etat en exercice est des plus éreintants ?[/box]

Vous savez on travaille beau- coup quelque soit le poste de responsabilité qu’on occupe dans la société. Cela ne doit pas signifier que lorsqu’on a fini de servir à un certain niveau, on devrait s’asseoir et se reposer. Il y a tellement de problèmes en Afrique que cela impose à ceux là qui ont acquis une certaine expérience dans la gestion de l’Etat et dans la résolution des crises, d’apporter leur expertise au service du continent et des peuples. C’est ce que je fais et c’est ce que je conseille aux autres.

[box type=’error’]Plus de dix ans après votre départ de la Présidence de la République, quel est le regard que vous portez sur votre pays et quel bilan pouvez-vous faire de votre passage à la tête de l’Etat burundais ?[/box]

J’ai eu un bilan très positif à la tête de l’Etat burundais. J’ai eu la chance que mes efforts pour ramener la paix aient porté leurs fruits. Ça été un travail difficile, harassant mais les Burundais sont en train de se réconcilier progressivement. Le plan de réconciliation mis en œuvre est en marche. Les accords d’Arusha que nous avons signés ont changé le Burundi totale- «Je déplore le retard qui a été pris» L’ancien Président Burundais, Pierre Buyoya, actuel Haut Représentant de l’Union Africaine au Mali et pour le Sahel passe en revue, dans cette interview, les sujets brûlants de l’actualité africaine. De son rôle au Mali à la crise centrafricaine, Pierre Buyoya dit tout sans oublier de faire le bilan rétrospectif de son passage à la tête de son pays. PIERRE BUYOYA, HAUT REPRÉSENTANT DE L’UA AU MALI ET POUR LE SAHEL À PROPOS DE L’INTERVENTION EN CENTRAFRIQUE N° 63 mars 2014 51 ment. En dépit des changements spectaculaires que cet accord a générés, je veux dire à mes compatriotes qu’en politique rien n’est acquis définitivement, la paix n’est jamais acquise défi- nitivement. Il faut donc que les Burundais continuent de se battre pour la préserver. Je suis, à cet effet, fier d’avoir laissé une base solide pour pérenniser les efforts pour la consolidation de la paix et la réconciliation dans mon pays.

[box type=’error’]En tant que Haut Représentant de l’UA au Mali, quel a été votre rôle dans la résolution de la crise qui a secoué ce pays ?[/box]

Mon apport a été celui de l’Union Africaine. Nous avons participé à la libération militaire du nord du Mali aux côtés des troupes françaises et maliennes. Nous avons contribué à mobiliser la communauté internationale afin qu’elle vienne au secours du Mali, en particulier à travers le groupe de soutien et de suivi au Mali. Nous avons accompagné le processus de remise en place des institutions démocratiques maliennes à travers l’organisation des élections présidentielles et législatives, financièrement, techniquement et politiquement. Nous avons déployé des observateurs des droits de l’homme au nord du Mali où les droits de l’homme étaient massivement violés. Aujourd’hui, nous accompagnons le Mali au niveau de certaines réformes dont la sécurité, la réconciliation. Nous voulons agir sur le plan régional pour le Sahel en aidant les pays de cette région à maîtriser les questions de développement et de sécurité.

[box type=’error’]L’Africain lambda n’a pas forcément la même grille de lecture que vous monsieur le Président. Il estime que l’Union Africaine a failli au Mali puisque c’est une puis- sance extérieure, la France notamment, qui était en pre- mière ligne avant les armées africaines. Pourquoi la Force d’Intervention de l’Union Africaine tarde-t-elle à se mettre en place ?[/box]

Je crois que ceux qui ont cette opinion ignorent un peu la complexité de la question. L’Union Africaine est une organisation continentale et avoir une armée continentale n’est pas une chose facile. D’ailleurs, je ne connais pas un autre continent qui a une armée. Vous voyez que l’Europe, pour envoyer 500 hommes en Centrafrique, est empêtrée dans des délibérations sans fin pour ne pas dire des hésitations. L’Union Africaine a constaté après son intervention au Mali qu’il y a beaucoup d’efforts à faire dans la sécurisation du continent et surtout dans la mise en place de la Force Africaine. Il y a un débat pour finaliser la Capacité de Réponse Rapide aux Crises (CARIC) et ce n’est pas une entreprise facile. Car mettre en mouvement de puissants pays africains n’est pas aisé. Sur d’autres théâtres d’opérations, ce sont des puissances qui ont pris l’initiative et d’autres ont suivi. Mais en Afrique, nous n’avons pas eu de grandes puissances militaires qui ont pris les devants. Le Nigeria avait essayé cela en Sierra Leone et au Libéria. Donc cette opinion ne doit pas minimiser les difficultés pour bâtir cette armée africaine. D’ici quelques mois, on pourra avoir quelque chose de concret avec la CARIC dont le socle est le volontariat dans la mise en place de cette force.

[box type=’error’]En attendant cette force, la Centrafrique sombre dans le chaos. Comment vivez-vous cet énième drame humain sur le continent et que préco- nisez-vous ?[/box]

Je m’aligne sur ce qui est fait au niveau régional et continental dans la résolution de cette crise. Les pays de la CEEAC sont inter- venus et les choses bougent. Pour ma part, je pense qu’il faut vite y envoyer des hommes en quantité et en qualité, leur donner les moyens et équipements nécessaires pour arrêter les violences dans ce pays. Cela est en train d’être fait. Ce que je déplore, c’est le retard qui a été mis. Il semble que la menace de déflagration a été sous-estimée et il faut corriger tout cela. Après quoi, je suis sûr que d’ici quelques semaines la paix reviendra dans ce pays. Ce processus pourrait aussi prendre beaucoup de temps parce qu’il sera multidimensionnel : poli- tique, économique, sécuritaire, humanitaire.

Interview réalisée à Addis-Abeba par

Valery FOUNGBE

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Hommes d'Afrique Magazine

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