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March 28, 2024
RELIGION

Cardinal CRISTOBAL LOPEZ ROMERO, Archevêque de Rabat « Je pense que l’église catholique du Maroc peut être une lumière pour l’église catholique du monde entier »

  • juin 17, 2020
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Cardinal CRISTOBAL LOPEZ ROMERO, Archevêque de Rabat « Je pense que l’église catholique du Maroc peut être une lumière pour l’église catholique du monde entier »

Pour donner de la visibilité aux nombreuses actions de l’Eglise catholique au sein du Maghreb et particulièrement au Maroc, Hommes d’Afrique Magazine a rencontré, le Père catholique, Cristóbal LÓPEZ ROMERO, Archevêque de Rabat. Nommé Cardinal, par le Pape François le 1er septembre 2019, l’Espagnol trouve à travers ce geste du Souverain Pontife, une reconnaissance du travail et de la trajectoire de l’Église au Maghreb, et au Maroc en particulier, couronnés par la récente visite papale dans le royaume.

Que pourriez-vous dire, pour vous présenter aux lecteurs du Magazine Hommes d’Afrique ?
Je suis le Père Cristóbal LÓPEZ ROMERO, Archevêque de Rabat, et depuis quelques mois, Cardinal de la Sainte Eglise Catholique. J’appartiens à la congrégation des Salésiens de Don Bosco. J’étais au Maroc pendant 7 ans à Kénitra, et depuis 2 ans je suis engagé au travail en tant qu’archevêque de Rabat, c’est-à-dire, le Père de tous les chrétiens catholiques au Maroc pratiquement. Je suis d’origine espagnole comme vous pouvez vous en apercevoir de par mon accent. Je suis très heureux de pouvoir servir ici au Maroc, ce peuple chaleureux qui m’a accueilli, mais aussi les chrétiens qui font partie de notre communauté dans tout le royaume.

Cardinal Cristóbal, comment se porte l’Eglise catholique au Maroc ?
Nous sommes très contents ici au Maroc, parce qu’on nous reconnaît et on nous estime. On respecte ce que nous faisons et on nous assure toutes sortes de facilités. Le Nonce qui est le représentant du Pape au Maroc me disait que parmi les pays musulmans du monde le Maroc est un paradis pour nous les catholiques. Ici, nous ne sommes pas persécutés, ni méprisés. Nous sommes appréciés. Tout récemment, Sa Majesté le Roi Mohammed VI m’a reçu, et il m’a donné toute son affection et son amitié et m’a montré vraiment l’estime qu’il a pour le Pape qui l’a visité, pour l’église catholique, et pour les croyants en général. Il est Commandeur des croyants, et il se préoccupe de nous. Nous sommes ici dans une situation très commode, c’est-à-dire, nous sommes à l’aise ici au Maroc.

Chaque année (31 janvier), vous organisez une grande fête à l’école Don Bosco de Kénitra. Pouvez-vous dire qui est cet homme ?
Son vrai nom, c’est Jean Bosco. Mais pour désigner les prêtres en Italie, on les appelle par leur nom de famille précédé de “Don”. Cependant, pour nous, c’est Saint Jean Bosco, car il est un saint de l’église catholique. Il a été un prêtre éducateur. Il a mis en place un système éducatif propre à lui : c’est le système préventif basé sur trois colonnes : la raison, la religion et l’amour. Les écoles salésiennes se caractérisent pour être cette communauté éducative qui priorise l’épanouissement de l’enfant. J’appartiens à cette congrégation qui est l’héritage pédagogique de Don Bosco.

Pourriez-vous nous retracer le parcours de l’école Don Bosco ici au Maroc?
Il faut dire que Don Bosco est décédé en 1888, en laissant déjà plus d’une centaine d’écoles dans le monde entier. Mais aujourd’hui, il existe plus de 1500 écoles Don Bosco à travers le monde entier, dont celle de Kenitra fondée en 1938, il y a donc 82 ans. Pendant tout ce temps, les Salésiens, qui sont les enfants de Don Bosco ont travaillé pendant un premier temps, pour les européens qui habitaient au Maroc pendant le protectorat. Et à l’avènement de l’indépendance, ils ont décidé de rester car étant pour le peuple marocain. La communauté Don Bosco a fait tout possible pour récupérer les acquis de cette école, le système éducatif de Don Bosco, l’ambiance de famille que vous avez constatée à votre arrivée ici, ainsi que les activités qui vont au-delà de celles académiques. C’est une école où on se sent en famille et où des amitiés se créent. C’est également un espace où se trouve Dieu pour que tous les croyants puissent développer leur foi. C’est d’ailleurs pourquoi nous parlons des trois piliers : la raison (l’étude), la religion – motivation spirituelle – et l’amour qui est l’ambiance de famille.

Vous avez également dirigé cette école Don Bosco de Kénitra pendant plusieurs années…
Tout à fait. J’ai passé sept années magnifiques à Don Bosco avec les enfants qui aujourd’hui, ont complètement grandi. Quelle joie de retrouver les anciens élèves, professeurs qui étaient arrivés à cette fête, car considérant Don Bosco comme étant leur famille. Vous devez remarquer que l’élève qui est passé par Don Bosco garde une grande affection pour son école, car ayant vécu de très bonnes expériences.

Parmi les trois piliers que vous avez cités tantôt et sur lesquels se repose l’enseignement de Don Bosco, vous évoquez l’école, comme étant un lieu où le croyant pourrait développer sa foi. Quand on sait que nous sommes dans un pays où l’écrasante majorité n’est pas catholique. Est-ce facile pour Don Bosco d’enseigner sa méthode à des élèves musulmans ?

Bien sûr, et c’est pour cela que je n’ai pas dit “chrétiens” mais plutôt “croyants”. Parce que la valeur de la spiritualité se trouve, soit dans la religion chrétienne, soit dans celle musulmane. Quand je suis arrivé à Don Bosco, on ne lisait pas le Coran. C’est moi, prêtre catholique qui ai institué un moment de proclamation du Coran, chaque vendredi matin où un élève lit des versets de sourates, pendant que je lui tenais le micro en faisant ma prière chrétienne dans mon cœur. C’était des moments de spiritualité et de rencontre avec Dieu, au-delà de la religion. Pour beaucoup de croyants, c’est vrai que nous sommes différents, mais dans les choses les plus fondamentales, nous sommes d’accord. Nous nous investissons à développer le projet éducatif de l’ECAM : Enseignement Catholique au Maroc. Nous sommes 15 écoles catholiques ici au Maroc avec des apprenants et enseignants musulmans. Nous nous reconnaissons tous dans ce projet éducatif et travaillons ensemble pour le bien des enfants. C’est une matérialisation du dialogue inter-religieux qui se manifeste par les projets éducatifs et les travaux de chaque jour dans nos écoles.

Avez-vous le sentiment qu’ici au Maroc, le dialogue interreligieux se porte bien ?
Bien sûr, et nous sommes très avancés dans ce sens. Dès la semaine prochaine, nous participerons à la présentation d’un livre dont le titre est : “Rabat, capitale africaine du dialogue inter-religieux”. Un livre écrit par le Nonce apostolique et le président de la “Fondation Diplomatique”. Ce titre du livre n’a pas été donné par les Nations-Unis ou quelque institution. La réalité, c’est qu’il y a eu ici, cette rencontre entre Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Pape François. Cependant, cette rencontre a été pendant un moment. Ce qu’on oublie en réalité, c’est que tous les jours, il y a la rencontre entre les chrétiens et musulmans dans la convivialité : entre étudiants à l’université, entre voisins, entre les entrepreneurs et leurs employés. Dans ces rencontres de la vie ordinaire, c’est vrai qu’il y a des difficultés, mais il y a de fortes raisons de dire que Rabat peut se convertir en Capitale africaine du dialogue inter-religieux. Cependant, plus loin, je pense que l’église catholique du Maroc peut être une lumière pour l’église catholique du monde entier et que nous pouvons ici exporter notre expérience, afin qu’il n’y ait pas dans le monde, une confrontation entre les musulmans et chrétiens. Nous sommes un exemple de ce que la convivialité, l’amitié et le travail d’ensemble est bien possible, et nous le vivons ici tous les jours.

Puisque vous venez de l’évoquer, la visite historique du Pape François ici au Maroc sur l’invitation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a été un moment fort, vécu par des milliers de chrétiens catholiques aux côtés de leurs frères musulmans. Comment avez-vous vécu particulièrement ces moments-là?
Cela a été un moment magnifique, une expérience extraordinaire pour moi. L’expérience d’être hôte du Pape, de le recevoir chez moi, de l’accompagner. Par exemple, j’ai eu la chance d’avoir eu 50 minutes de tête à tête avec lui. Parce que je l’ai accompagné de la nonciature jusqu’à Témara pour visiter l’œuvre sociale. Et après, de Témara jusqu’à la cathédrale, nous avions passé 30 minutes ensemble à discuter en espagnol tous les deux. Ce qui fait une audience de 50 minutes au total. Jamais de la vie je n’aurai une audience privée avec le Pape. Cela a été magnifique. Mais après cela, il y a eu également la messe que nous avions célébrée avec plus de 10.000 chrétiens rassemblés; cela a été une expérience unique, jamais arrivée dans l’histoire du Maroc de voir autant de chrétiens vivre une ambiance de joie, de paix, d’allégresse, de fraternité extraordinaire. Après, tout le monde a suivi les discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à la Tour Hassan et celui du Pape, qui ont marqué une nouvelle étape dans le dialogue inter-religieux. Dans l’ensemble, l’expérience a été réussie, et a été un grand succès. Pour moi, ça a été une source de joie qui est encore vive dans mon cœur.

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