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March 28, 2024
OPINION

Deux riches régions appauvries par la France et sa monnaie coloniale, le franc CFA

  • avril 16, 2014
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Deux riches régions appauvries par la France et sa monnaie coloniale, le franc CFA

Afrique centrale et Afrique occidentale
Dira-t-on que c’est un paradoxe: l’Afrique centrale et l’Afrique occidentale sont deux des plus riches régions africaines, pour- tant la population y est très appauvrie. Une cause fondamentale de ce paradoxe c’est la France et sa monnaie coloniale, le franc CFA. La France a créé cette monnaie, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, pour des visées explicitement colonialistes. Que cette relique de l’histoire coloniale persiste aujourd’hui, plusieurs décennies après les indépendances, est plus qu’une incongruité économique.

En dehors de ces deux régions, plu- sieurs anciennes colonies françaises ont immédiatement abandonné la monnaie coloniale au lendemain de leur indépendance. C’était une décision à la fois normale et logique puisque l’indépendance monétaire est l’autre face d’une véritable indépendance politique. Parmi ces pays qui ont pris cette décision: le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Guinée, la Mauritanie, Madagascar, le Cambodge, Laos, le Vietnam et dans une certaine mesure, le Mali.

Pourquoi un groupe de pays en Afrique centrale et en Afrique occidentale ont-ils choisi, ou ont-ils été forcés de conserver, le franc CFA, après leurs indépendances, sachant que cet acronyme signifie dès l’origine “franc des Colonies Françaises d’Afrique”? En Afrique centrale, ces pays sont: le Tchad, le Cameroun, le Gabon, le Congo, la Centrafrique; et en Afrique occidentale, le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Niger, le Burkina Faso, et aussi le Mali. A ces pays, sont venus s’ajouter, pour le groupe d’Afrique centrale, la République de Guinée Equatoriale, et pour l’Afrique occidentale, la Guinée Bissau. Dans l’océan indien, il faut encore ajouter la République des Comores. Le présent article se limite aux pays CFA d’Afrique centrale et d’Afrique occidentale. Quel est le problème ? La France exige des pays africains CFA, qu’ils déposent une partie de leurs réserves de divises dans un compte détenu au Trésor français à Paris.

A l’indépendance, c’est la totalité des réserves, 100% de celles-ci qui devaient être déposées. Ce pourcentage est descendu à 65% en 1973 puis à 50% à partir de septembre 2005. Mais dans la réalité, aujourd’hui encore, le pourcentage déposé est souvent voisin de 90%, les banques centrales d’Afrique CFA n’osant pas prendre leurs responsabilités pour gérer eux-mêmes la part des réserves à leur disposition. Quels sont les montants en jeu? L’opacité est ici de règle. Les Français brouillent tout, quand ils ne retiennent pas pure- ment et simplement l’information. Mais en valeur absolue ou en valeur relative, par rapport aux PIB des pays africains concernés, les montants déposés sont très importants: au minimum, une vingtaine de milliards d’euros à fin 2011, dans les comptes dits “d’opération”. A cela, il faut ajouter les dépôts d’or des deux banques centrales que sont, la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique Centrale et la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique Occidentale).

En d’autres termes, si ces pays produisent 1 milliard d’euros, ils doivent déposer 500000 millions d’euros au Trésor français. Les statuts de la zone franc pré- tendent que ce dépôt est requis pour la garantie de convertibilité qu’assure la France au franc CFA. Dans les faits il faut immédiatement noter, cette garantie de convertibilité est inexistante pour les agents économiques. Il est impossible même au sein de la zone franc en Afrique, de convertir des CFA de la BEAC en CFA de la BCEAO ou les CFA BCEAO en CFA BEAC.
La convertibilité est plus impossible encore à l’extérieur de cette zone. Pourtant, chaque jour, l’on chante les louanges d’une garantie de convertibilité au taux de parité fixe annoncé: 1 euro pour 665,659 francs CFA. Un acheteur qui se trouve en zone BCEAO avec des francs CFA BEAC ne peut rien acquérir. Réciproquement, dans la zone BEAC, un acheteur possédant des francs CFA BCEAO ne pourra lui non plus rien acheter. Un effet de cette situation est la faiblesse des échanges entre pays africains, et un quasi-monopole français sur le commerce, et l’investissement dans ces pays, puis que même pour échanger entre eux, ces pays doivent passer par l’euro. Etonnamment, les pays africains concernés, au premier rang les dirigeants de ceux-ci, restent silencieux, regardent sans réagir l’appauvrissement organisé de leurs populations.

Une parité fixe lie le franc CFA à l’euro, depuis la création en 1999 de cette monnaie européenne. Avant cela, le franc CFA était là encore lié par une parité fixe au franc CFA. Le “compte d’opérations”, bizarrerie sans pareille dans l’histoire et injustifiable économiquement, est le réceptacle des devises que les Africains offrent littéralement à l’Etat français. C’est une efficace arme de domination de la France sur les pays africains. Une arme qui a deux conséquences négatives sur l’économie des pays africains de la BEAC et de la BCEAO: ces pays sont privés d’importantes ressources et d’un instrument capital de gestion économique, la politique monétaire. De plus, la parité fixe à l’euro se traduit par une surévaluation permanente du CFA, qui est néfaste aux exportations et à la compétitivité des pays africains, et désastreuse pour leur balance commerciale. Pourquoi rien n’est-il fait contre cette insolite, anachronique et infernale réa- lité qu’est pour les Africains, le franc CFA? Pourquoi populations et gouvernements africains acceptent-ils silencieusement cela depuis 1960? Est-ce à cause de menaces de la France? En principe, l’argent du compte d’opérations appartient aux pays africains de la zone franc.
Mais il faut insister sur le “en principe” car dans les faits, ces pays n’ont jamais eu accès ni au capital, ni aux intérêts que produit ce capital. De plus, le franc CFA entretient l’extraversion et la dépendance économique des états africains par rapport à la France. Il s’en- suit l’enrichissement automatique de la France, et chez les Africains, l’appauvrissement automatique, ainsi qu’un permanent haut niveau de chômage, d’emplois précaires et de sous-emplois. Aberrante injustice, le Trésor français, c’est-à-dire l’Etat français, fait office de banquier, et un banquier qui empêche ses clients que sont les Etats africains CFA de connaître l’avoir de leurs comptes qu’ils sont pourtant tenus d’alimenter régulièrement.

[quote arrow=’yes’]Un acheteur qui se trouve en zone BCEAO avec des francs CFA BEAC ne peut rien acquérir. Réciproquement, dans la zone BEAC, un acheteur possédant des francs CFA BCEAO ne pourra lui non plus rien acheter[/quote]

Ils sont ainsi forcés d’ignorer même le montant des intérêts que pro- duit cet avoir. Avoir et intérêts que l’Etat français, dont le budget est systématique- ment déficitaire depuis presque quarante ans, utilise comme bon lui semble et notamment pour “aider” ou pour prêter aux Africains.

Des économistes africains s’élèvent contre cette injustice. Par exemple le Professeur Nicolas Agbohou dans son livre Le franc CFA et l’euro contre l’Afrique. Agbohou montre que les pays de la zone CFA sont les seuls au monde qui acceptent qu’on, en l’occurrence l’Etat français, leur prête, et avec des intérêts non négligeables, ce qui en fait est leur propre argent. En clair, les Africains fournissent la corde pour les pendre. Etonnamment, alors qu’elles sont d’habitude très loquaces, les ONGs françaises, dites de “protection des droits de l’homme” ou de “lutte anti-corruption”, Sherpa et Transparency International, pour ne citer que deux cas, deviennent muettes dès qu’il s’agit des crimes économiques et monétaires, sans parler des crimes de sang, que la France et son franc CFA commettent depuis sept décennies en Afrique.

Pourquoi leur silence? Pourquoi ces ONGs font-elles un assourdissant vacarme contre ce qu’elles appel- lent les “biens mal acquis” de certains dirigeants africains, alors qu’elles sont muettes comme carpe devant le gigantesque cambriolage qu’est la zone franc? Travaillent-elles réellement pour le bien des Africains comme elles le proclament? Ou bien, ne sont-elles pas plutôt les leviers volontaires qu’actionne l’exploiteur et profiteur en dernier ressort qu’est l’Etat français? A ce jour, ceux des Africains, en commençant par les rares dirigeants qui ont osé s’attaquer à la zone franc ont été systématiquement réprimés. Certains ont été tués. Sylvanius Olympio, alors Président du Togo est assassiné le 13 jan- vier 1963, deux jours avant de signer le document de sortie qu’il avait décidée du Togo de la zone franc. Des observateurs notent l’acharnement actuel des ONGs et de la justice française, manipulée, contre l’entourage du Président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.

Pour ces mêmes observateurs, ce dernier, dont le patriotisme africain est connu, apparaît comme le plus capable, si ce n’est le seul capable, de tordre le cou de la zone franc. Que peuvent, que doivent faire les Africains pour se libérer de la servitude de la zone franc et du franc CFA? Trois sorties sont possibles: abolir a zone franc; adapter cette monnaie par de nouveaux accords dans le cadre de l’Union Européenne; réviser de fond en comble les accords monétaires entre la France et les pays africains CFA. A moins qu’on ne verse des larmes de crocodile sur la misère des Africains, tous ceux en Afrique et dans le monde qui travaillent sincèrement contre l’appauvrissement des Africains doivent s’accorder pour abolir la zone franche en Afrique. Le paradoxe disparaîtra: vous verrez alors la prospérité germer en Afrique centrale, en Afrique occidentale et dans le reste de l’Afrique.
Crisantos Obama Analyste politique

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Hommes d'Afrique Magazine

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