Guerre froide entre Pretoria et Kigali
[quote]Le lien du dialogue qui était déjà fragile entre l’Afrique du sud et le Rwanda semble désormais rompu. Pendant tout le mois de mars, les deux pays se sont adonnés à un ballet d’expulsions croisées de diplomates.[/quote]
Pretoria et Kigali ont rompu les amarres. La froideur diplomatique qui existait déjà entre les deux pays s’est accentuée pour se transformer en une véritable guerre froide. L’Afrique du Sud a accusé par la voie de son ministre de la Justice, puis par un communiqué de son ministère des Affaires étrangères, quatre diplomates rwandais et un burundais d’être impliqués dans des entreprises criminelles liées à des tentatives d’assassinat et un meurtre d’opposants rwandais en exil sur son sol. Le 31 décembre 2013, l’ancien chef des renseignements rwandais, Patrick Karegeya, réfugié en Afrique du Sud, a été assassiné dans un hôtel à Johannesburg. S’il est vrai que les enquêtes sur ce meurtre n’ont pas encore révélé leurs secrets, tous les regards se sont tout même portés vers le Rwanda, bien que Kigali ait démenti toute implication. Mais l’incident qui a fait sortir Pretoria de son silence concerne une autre tentative de meurtre sur un autre haut responsable rwandais en exil. Le lundi 3 mars dernier, des hommes armés ont attaqué le domicile de l’ex-général rwandais Kayumba Nyamwasa réfugié à Johannesburg. Celui-ci n’était pas présent, et les hommes armés sont repartis sans rien emporter. Le ministre sud-africain de la Justice a affirmé détenir des preuves de l’implication des diplomates expulsés d’Afrique du Sud dans ces attaques contre des opposants rwandais. « Notre pays ne doit pas être utilisé comme tremplin pour mener des activités illégales », a prévenu Jeff Radebe le Garde des Sceaux sud-africain. Avant de révéler dans une déclaration officielle que la décision d’expulser des diplomates était basée sur des « actions illégales qui ont eu lieu sur le territoire sud-africain, des tentatives de meurtre, ainsi qu’un assassinat ». Une version que le Rwanda réfute. La chef de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikiwabo, a, en effet, estimé que les autorités sud-africaines avaient eu tort d’expulser les diplomates rwandais « respectueux des lois ».
Dialogue de sourds !
Si Pretoria accuse Kigali de mener des actions illégales sur son sol, du côté du Rwanda c’est un autre son de cloche qui se fait entendre. Le Rwanda accuse en effet, en des termes à peine voilés, l’Afrique du Sud de servir de base arrière pour des mouvements de déstabilisation contre le régime de Paul Kagamé. Selon son Ministre des Affaires Étrangères, des « fugitifs rwandais continuent de mener des attaques terroristes » au Rwanda mais « le problème est resté sans solution » alors que l’Afrique du Sud avait « plusieurs fois promis de s’en occuper ». Une source diplomatique sud-africaine assure que « les preuves sont accablantes », et accuse le Rwanda de faire de la propagande. Cette même source ajoute aussi que le président sud-africain, Jacob Zuma, a averti par téléphone son homologue rwandais que ce genre d’attaque ne devait pas se reproduire. Des informations que Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, a démenties les qualifiant de « pure fiction ». Si l’on n’a jusque- là pas eu de réaction personnelle du Président sud-africain Jacob Zuma sur le sujet, son homologue rwandais n’a quant à lui pas pris de gants. Dans un discours au vitriol Paul Kagamé a enfoncé le clou.
[quote arrow=’yes’]La décision d’expulser des diplomates était basée sur des « actions illégales qui ont eu lieu sur le territoire sud-africain, des tentatives de meurtre, ainsi qu’un assassinat »[/quote]
« Je ne suis ni un journaliste, ni un responsable d’ONG. Je suis en charge du bien-être et la sécurité des Rwandais. Je ne suis pas un musicien qui divertit ceux qui causent l’insécurité. Quiconque compromet la sécurité des Rwandais en paiera le prix » a prévenu Paul Kagamé mettant ainsi une nouvelle fois en garde les dissidents en exil. Des propos similaires à ceux tenus à la suite du meurtre, le 31 décembre à Johannesburg, de l’ancien chef des renseignements rwandais, devenu opposant. Une affaire dans laquelle Kigali avait démenti toute implication. Kagamé a évoqué les attaques à la grenade dont le Rwanda est régulièrement victime depuis 2010. Des actes qui, selon le président rwandais, trouvent leur origine à « l’extérieur du pays » et que les responsables ont peut-être la volonté de réitérer. « J’insiste sur cela, car certains de ceux avec lesquels nous sommes supposés travailler, peuvent, à un moment donné, collaborer avec ceux qui provoquent de l’insécurité dans d’autres pays », a-t-il dit avant de déclarer que : « Et si je suis mal interprété, cela m’importe peu ».
Mireille Patricia Abié