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November 23, 2024
OPINION

La politique de la France en Afrique reste à inventer

  • mars 16, 2014
  • 10 min read
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La politique de la France en Afrique reste à inventer

[quote]IL NE SE PASSE PAS DE SAISON, DE SEPTENNAT ET MAINTENANT DE QUINQUENNAT SANS QUE L’ON NOUS ANNONCE L’INFLEXION, L’INVOLUTION OU L’EVOLUTION DE LA POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE. ET SI CELLE-CI RELEVAIT DU VIEUX PARADOXE SORITE. A PARTIR DE QUEL MOMENT, UN TAS DE SABLE DONT ON ENLEVÉ OU RAJOUTE SUCCESSIVEMENT DES GRAINS CESSE D’ETRE UN TAS?[quote]

 

Autrement dit, à force d’infléchir, de rénover, de faire évoluer la politique africaine de la France, qu’est-ce qui en reste au bout du compte ? A l’inverse : la politique africaine de la France a-t-elle fondamentalement changé depuis la création en1959 du ministère de la coopération parle général de Gaulle ? Mieux encore : la politique africaine de la France a-t-elle jamais existé? Comme la fameuse « politique arabe de la France », dont la définition des contours donnerait le tournis aux meilleurs des spécialistes, la politique africaine de la France échappe, quant à elle, aux canons de l’analyse des relations internationales et de la science politique.

Ce que l’on nomme par commodité de langage « la politique africaine de la France » se caractérise, dans sa mise en œuvre, par la multiplicité des acteurs et donc des centres de décision. Jusqu’ à la récente loi initiée par Pascal Canfin, dont le ministère ne porte plus le nom de« coopération » mais celui de « développement», les relations franco-africaines n’étaient soumises à aucun contrôle parlementaire. Comment expliquer autrement le soutien constant de la France à des régimes africains peu recommandables depuis plus de cinquante ans si ce n’est par ce mépris souverain des règles élémentaires de la démocratie qui autorise le président français à signer des accords militaires et à engager ses troupes armées en Afrique sans s’en référer préalablement au Parlement ?En effet, la fragmentation du dispositif institutionnel français (le ministère de développement, l’Agence Française de Développement, le Quai d’Orsay, le Trésor, la Caisse de Dépôt et de Consignation…) et les foyers d’influence et de pouvoir (Elysée, le Cabinet du Premier ministre, l’Etat-major, services de renseignement, milieux d’affaires)rendent illisible l’action de la France en Afrique.

A ce niveau d’opacité, on est légitimement fondé à se demander si la Françafrique, ce marigot où barbotent des élites africaines et françaises, où se croisent des intérêts privés et des initiatives publiques, où affairisme et barbouzerie nagent de conserve en eaux troubles, ne participe-t-elle pas de l’essence même de la dite politique africaine de la France ? Par conséquent l’annonce, à intervalles réguliers, de la mort de la Françafrique ne peut que prêter à sourire. Si les interventions armées de la France sur le continent africain suscitent parfois des remous dans certains secteurs de l’opinion publique mondiale, l’existence de la zone CFA-symbole par excellence de la pérennité de la présence française en Afrique centrale et de l’ouest- ne fait l’objet d’aucun débat sauf dans des cercles restreints d’économistes avertis. Dans son fonctionnement actuel, la zone CFA constitue non seulement une entrave à la souveraineté des Etats africains qui la composent mais sa pertinence économique mérite d’être discutée. On sait que les économies des pays de la zone CFA dépendent principalement des matières premières pour lesquelles les cours sont instables sur le marché mondial.

Or la parité fixe entre l’euro et le franc CFA ne permet pas d’utiliser le taux de change comme instrument d’ajustement pour des pays qui connaissent des bouleversements réguliers des termes de l’échange. Les paysans africains de la zone CFA, qui se retrouvent chaque fois en difficulté face à la baisse du cours de coton, en savent quelque chose. Par ailleurs, l’arrimage du franc CFA à une monnaie forte comme l’euro a pour conséquence de favoriser la consommation et la propension à importer d’une part, et de décourager la constitution d’appareils productifs nationaux et des exportations, de l’autre. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que ce soit en zone CFA que les produits chinois aient conquis d’importantes parts de marché et que la France ait vu sa position commerciale reculer si rapidement, notamment face à la Chine, depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, la Chine y fait jeu égal avec la France avec une part de marché de 17,7% pour la Chine contre 17.2% pour la France. Si en comparaison des pays anglophones et lusophones, les taux de croissance de la zone CFA sont moins élevés sur ces dix dernières années (dixit le Rapport Védrine), ce différentiel négatif de croissance ne s’explique pas uniquement par les difficultés passées de la Côte-d’Ivoire et actuelles de la Centrafrique. D’une manière générale, l’aide publique au développement (APD) a longtemps été perçue comme la dimension essentielle de la politique africaine de la France. Fourre-tout où sont comptabilisés pêle-mêle les intérêts versés à la BEAC et à la BCEAO pour rémunérer les 50% des réserves de change déposés par les pays de la zone CFA sur des comptes d’opérations au Trésor public français, une partie du coût des refugiés, des bourses versées aux élèves des lycées français à l’étranger.., l’enveloppe de l’aide publique française au développement n’arrête pas de se rétrécir sous la contrainte des impératifs budgétaires. Loin de l’objectif de 0.7% du revenu national brut fixé par les Nations-Unies, la France, qui ne consacre que 0.3% de son PIB à l’aide publique au développement, n’a eu de cesse que d’inscrire son intervention en Afrique dans le double cadre de la construction européenne et des institutions de Bretton Wood depuis le tournant des années 80.

De sorte que la singularité de la France sur le continent africain ne s’apprécie plus qu’à l’aune de son potentiel militaire et qui, en même temps, cache malsa solitude comme viennent de l’illustrer récemment les théâtres de guerre maliens et centrafricains. Selon des analystes érudits, les Français, peuple littéraire s’il en est, joueraient sur la scène africaine la querelle des Ancienset des Modernes. Cette controverse, qui recouvre en fait l’opposition philosophique entre les tenants de l’autorité et les défenseurs du progrès, entre les forces de la conservation et les partisans du mouvement, fut un débat d’idées à la fin du XVIIe s sur les mérites respectifs des écrivains de l’Antiquité et ceux du siècle de Louis XIV. Du coup, la politique africaine de la France ne doit pas s’analyser au travers des catégories comme celle de la gauche et de la droite mais que la ligne de fracture passe désormais par l’opposition entre «Anciens» et « Modernes». Autrement dit, il y a ceux qui défendent le « pré-carré » français en prônant des rapports privilégiés avec les pays africains issus de l’ancien empire colonial et ceux qui œuvrent pour la normalisation, la banalisation des rapports entre ceux-ci et la France.

Les changements de majorité à Paris n’affectent pas dans ses fondements la politique africaine de la France dans la mesure où le clivage droite/gauche n’est pas la bonne grille de lecture pour comprendre les relations que l’ancienne métropole entretient avec ses ex-colonies.

En clair, les changements de majorité à Paris n’affectent pas dans ses fondements la politique africaine de la France dans la mesure où le clivage droite/gauche n’est pas la bonne grille de lecture pour comprendre les relations que l’ancienne métropole entretient avec ses ex-colonies. Et si la France était tout simplement en quête d’une politique africaine à l’instar d’elle-même qui, actuellement, se cherche dans un monde globalisé? Comme chacun le sait, la France n’a pas la mondialisation heureuse. Quasiment inconnu du grand public français jusqu’aux années 1990, le terme de « mondialisation » résume à lui seule l’ampleur du désarroi intellectuel, politique, économique, culturel et social de la France et tout ceci étant fortement lié à un sentiment de déclin national. En réalité, cette crise de conscience apparaît au début des années 80 quand la France découvre que le monde est en train de changer autour d’elle et que le reflet que lui renvoie son propre visage est celui d’un pays métissé avec la présence en son sein des populations issues de l’empire colonial dont la vocation est de s’installer durablement sinon de façon pérenne dans l’ancienne métropole. Au lieu de prendre en marche le train de l’ouverture sur l’extérieur et de faire valoir ses nombreux atouts, la France, qui a pied sur tous les continents, qui partage en commun sa langue avec220 millions de francophones dans le monde, qui est la première terre d’accueil des immigrés Africains, qui se classe parmi le peloton de tête des pays récepteurs d’IDE (investissements indirects étrangers)- la France donc a fait le choix du repli sur elle-même.

Oubliant cette forte parole de Georges Bernanos selon laquelle « la France sera méprisée dans le monde que quand elle aura perdu l’estime d’elle-même», les élites françaises, tétanisées par le discours xénophobe de l’extrême-droite et obnubilées par des politiques électoralistes à courte vue, ont préféré faire de l’immigration un problème et non pas une partie de la solution au mal français(chômage de masse, désindustrialisation, délocalisations…).N’est-ce pas le rapport Védrine, document de base du forum économique France-Afrique du 4 décembre, qui prévoit que le potentiel de l’économie subsaharienne permettrait la création ou le maintien en France de 200 000 emplois à l’horizon 2020 ?

En proposant d’associer « la diaspora africaine de France à la définition et à la mise en œuvre de la politique africaine de la France, à la conception et à la participation à des projets d’échange et de coopération avec l’Afrique et aux organisations professionnelles du secteur privé», le rapport Védrine inaugure-t-il une nouvelle ère des relations entre l’Afrique et la France ?Connaîtra-t-il le même sort que celui du rapport Jeanneney de 1963 qui a défini la politique de coopération de la France avec les « pays en développent » pendant plusieurs décennies ? Ce qui est certain, c’est que la politique de la France en Afrique reste à inventer. Mand Ryaira-Ngarara, Universitaire tchadien

[quote arrow=’yes’]Les changements de majorité à Paris n’affectent pas dans ses fondements la politique africaine de la France dans la mesure où le clivage droite/gauche n’est pas la bonne grille de lecture pour comprendre les relations que l’ancienne métropole entretient avec ses ex-colonies.[/quote]

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Hommes d'Afrique Magazine

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