Les 30 et 31 mars 2019 resteront à jamais gravés dans l’esprit des croyants marocains adeptes de l’Islam et du Christianisme. En effet, durant ces deux jours, la plus haute autorité des chrétiens catholiques et le Commandeur des croyants du royaume chérifien ont fait la démonstration que le dialogue interreligieux est réalisable à condition d’avoir de la volonté et de le faire au bénéfice des peuples.
10000. C’est le nombre de personnes qui ont eu l’immense honneur de participer et suivre la messe du Pape François, à Rabat, au dernier jour de sa visite officielle entamée le 30 mars, à l’invitation du Roi Mohamed VI. La ferveur constatée lors de cette prière inédite a consacré la réussite de cette osmose interreligieuse. Elle a surtout mis en lumière la singularité du Maroc dans son approche du dialogue des cultures et des religions.
Justement, cette messe papale a été placée sous le sceau de la « fraternité christiano-musulmane » et a réussi le pari de faire cohabiter en un moment exceptionnellement historique Chrétiens, Musulmans et autres.
Devant des archevêques et prêtres de divers horizons, des Imams et des adeptes enthousiastes, des membres du gouvernement et des autorités locales, réunis pour la circonstance au complexe Prince Moulay Abdellah, le souverain pontife a exhorté tout le monde et particulièrement ses frères chrétiens, à « persévérer sur le chemin du dialogue avec nos frères et sœurs musulmans et contribuer à rendre visible cette Fraternité universelle qui trouve sa source en Dieu ».
C’est naturellement que lors de son homélie, le Souverain pontife a pointé du doigt les « divisions, les affrontements, l’agressivité, les conflits et les conditions inhumaines » que subissent des peuples et des communautés partout dans le monde en raison de leur obédience religieuse.
A ce sujet, il a rappelé que « les situations qui peuvent nous conduire à nous affronter et à nous diviser sont indiscutables. Nous ne pouvons pas le nier. La tentation de croire en la haine et en la vengeance comme moyens légitimes d’assurer la justice de manière rapide et efficace, nous menace toujours ».
Cependant, le Pape François insistera sur le fait que la fraternité est l’unique chemin pour « dépasser nos logiques à courte vue qui divisent » et parvenir à un « regard qui ne prétend pas clore ni abandonner nos différences ». Aussi a-t-il recommandé comme solution, la préservation de « la fraternité et la dignité humaine » ce qui selon lui inclue de « vivre, non pas comme des ennemis, mais comme des frères ».
A l’issue de cette cérémonie historique du 31 mars 2019, Sa Sainteté le Pape a adressé ses vifs remerciements à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, pour Son invitation, ainsi qu’aux autorités marocaines et à toutes les personnes qui ont contribué au bon déroulement de sa visite dans le Royaume.
Ce message de paix du Pape François faisait écho à celui prononcé le samedi 30 mars par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. « La solidarité de tous les croyants », avait-il déclaré est désormais l’une des exigences face à la résurgence du fanatisme religieux et de l’extrémisme.
Pour le Pape François, en effet, « ces circonstances susceptibles de nourrir la division et la confrontation et les situations qui peuvent conduire à nous affronter et nous diviser ». D’où l’intérêt que revêtait cette visite historique « dans un pays qui joue un rôle singulier dans l’islam contemporain et où le dialogue interreligieux est fructueux », avait noté, à propos, le site d’information du Vatican.
L’APPEL D’AL-QODS…
L’un des moments forts de la visite du Pape au Maroc fut « l’Appel d’Al-Qods » signé le samedi 30 mars 2019 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Pape François. Signé dans la salle du Trône au Palais Royal à Rabat, cet appel vise à conserver et à promouvoir le caractère spécifique multireligieux, la dimension spirituelle et l’identité particulière de la ville sainte qu’est Jérusalem pour les trois religions abrahamiques.
Dans cet Appel, Mohammed VI et le Pape François ont souhaité « que dans la ville sainte, soient garantis la pleine liberté d’accès aux fidèles des trois religions monothéistes et le droit de chacune d’y exercer son propre culte, de sorte qu’à Jérusalem/Al Qods Acharif s’élève, de la part de leurs fidèles, la prière à Dieu, Créateur de tous, pour un avenir de paix et de fraternité sur la terre ».
Pour le Docteur en anthropologie à l’Université internationale de Rabat (UIR), Farid El Asri, « L’Appel d’Al Qods rappelle les fondamentaux qui assoient les communautés dans une reconnaissance mutuelle renouvelée et dans le rôle historique et spirituel de la ville »
Mieux, dira-t-il au sujet de cet Appel « Si l’incendie de la Mosquée de Jérusalem en 1969 est loin derrière, l’Appel d’aujourd’hui est bien une démarche qui vise à éteindre les probables feux futurs avant leurs embrasements ».
A son arrivée le 30 mars à l’aéroport Rabat-Salé, le Pape François a été accueilli par SM le Roi Mohammed VI qui était accompagné de Son Altesse Royale le Prince Héritier Moulay El Hassan et de Son Altesse Royale le Prince Moulay Rachid.
Sur l’esplanade de la Mosquée Hassan à Rabat où il a reçu un accueil à la dimension de son prestige, le Pape avait donné le ton sur l’essence de sa visite au Maroc. Soulignant que sa visite au Maroc « pont naturel entre l’Afrique et l’Europe » est « une importante opportunité pour promouvoir le dialogue interreligieux et la connaissance réciproque entre les fidèles » des deux religions, il a émis le vœu que « l’estime, le respect et la collaboration entre nous contribuent à approfondir nos liens de sincère amitié, afin de permettre à nos communautés de préparer un avenir meilleur pour les nouvelles générations ».
Avant le Pape, le Roi Mohammed VI, s’exprimant exceptionnellement en quatre langues (arabe, espagnol, anglais et français), a fait savoir que combattre le radicalisme religieux passe par « s’ouvrir l’une à l’autre (parlant des religions) et pour se connaitre ». Ceci passe inéluctablement par l’éducation, car « la non-connaissance de l’autre, l’ignorance de l’autre, l’ignorance tout court » est le terreau des fanatismes.
Poursuivant, le Commandeur des Croyants au Maroc a précisé que Sa rencontre avec le Pape François consacre une « conviction partagée : les valeurs de la religion monothéiste contribuent à la rationalisation, à la réconciliation, à l’amélioration de l’ordre mondial ».
Le Souverain Pontife a visité le Mausolée Mohammed V à Rabat, où il s’est recueilli sur les tombes de Mohammed V et de Hassan II. Il a pour l’occasion signé le Livre d’or du Mausolée et profité pour prier pour la prospérité du pays qui l’a accueilli.
Par la suite les autorités royales et Sa Sainteté le Pape François ont visité l’Institut Mohammed VI de formation des Imams, morchidines et morchidates. Cette visite a été marquée par la projection d’un film institutionnel sur les objectifs de l’Institut, ainsi que d’une allocution du ministre des Habous et des Affaires islamiques, M. Ahmed Toufiq.
Cette visite a été agrémentée par l’interprétation de chants religieux musulmans, juifs et chrétiens par des sopranos, ténors, choristes et solistes marocains et étrangers, qui se sont joints à l’Orchestre Philharmonique du Maroc.
LES CONSEILS DU PAPE AUX RELIGIEUX DU MAROC
Avant de quitter le Maroc, au terme de sa visite, Sa Sainteté le Pape François a eu dimanche 31 mars, à la Cathédrale Saint Pierre à Rabat, une rencontre avec les prêtres, les religieux et religieuses, les consacrés et le Conseil œcuménique des Églises.
Le Pape François a, à cette rencontre, après des témoignages du Père Germain Goussa et de la Soeur Mary Donlon, dépeint le Maroc comme un pays d’ouverture, de pluralité et de diversité religieuse.
Pour la bonne marche de la religion chrétienne et surtout pour la cohabitation de cette religion dans un pays à majorité musulman, le Souverain Pontife les prêtres, religieux et religieuses vivant au Maroc à continuer d’œuvrer sur le chemin du dialogue et de la coopération, qui pour lui est la meilleure opportunité pour continuer à travailler en symbiose avec la religion dominante locale.
Par la suite, le Pape a salué symboliquement une religieuse et le doyen des prêtres du diocèse avant de présider une messe privée. Le Pape a, par ailleurs, salué Jean-Pierre Schumacher (94 ans), dernier survivant de la communauté des moines de Tibhirine (Algérie), qui vit actuellement au monastère Notre-Dame de l’Atlas, à Midelt.
LA VISITE VUE D’AFRIQUE…
La Visite officielle du Pape François au Maroc a été suivie et scrutée à travers le continent et surtout en Afrique francophone. De façon unanime, cette visite a été appréciée comme une excellente rampe de lancement pour l’apaisement des tensions interreligieuses et le dialogue interconfessionnel.
Pour l’Archevêque de Bamako, le Cardinal Jean Zerbo, cette visite contribuera au rayonnement des valeurs humaines de paix, de tolérance, de vivre ensemble et de dialogue interreligieux, Cardinal de l’Eglise Catholique.
Au Gabon, les journaux ont mis l’accent sur l’Appel d’Al- Qods dans lequel le Pape et le Roi appelle à la préservation de la ville sainte de Jérusalem. C’est qu’on peut lire sur le site « aLibreville » qui note que les deux dirigeants ont souligné l’»unicité et la sacralité», de la Ville sainte, dans un contexte tendu.
En République démocratique du Congo (RDC), l’agence congolaise de presse (ACP) a relevé que l’Église du Royaume compte 20.000 (vingt mille) chrétiens auxquels il faut ajouter 10.000 (dix mille) protestants, tous d’origine étrangère.
« La grande partie de nos paroissiens ce sont des étudiants subsahariens qui viennent ici faire de bonnes études en français et la moitié d’entre eux reçoivent une bourse de l’UNESCO grâce au gouvernement marocain » écrit le site qui cite le Père Daniel Nourissat, de la Cathédrale St Pierre de Rabat.
Au Ghana, le portail électronique « Pulse » note la « tolérance religieuse» du Royaume à travers cette visite, en plus de « l’Institut de formation des imams qui accueille Marocains et étrangers d’une dizaine de pays » qui relève le caractère « très important » de l’évènement, vu que c’est la première fois qu’un pape est accueilli dans un institut de formation des imams.
Au Sénégal, le journal en ligne « Pressafrik » s’est intéressé à la visite que le Pape a rendue aux Migrants. Pour ce site, qui cite l’archevêque de Rabat, Mgr Cristobal Lopez Romero, le fait de rencontrer des migrants est « un message en lui-même ».
Quant à l’Agence de presse sénégalaise (APS), elle a mis en exergue la volonté affirmée du Pape François à coordonner les efforts pour donner « une nouvelle impulsion à la construction d’un monde davantage solidaire et plus engagé ».
LE MESSAGE DU PAPE FRANCOIS POUR LES MIGRANTS
Sa Sainteté le Pape François a eu un programme très chargé lors de sa visite officielle au Maroc les 30 et 31 mars 2019. Cette visite placée sous le sceau du dialogue interreligieux n’a pas empêché le Pape de faire un clin d’œil à la situation des Migrants dans le monde et notamment en Afrique. Et quel pays mieux que le Maroc pouvait servir de cadre à un appel en leur faveur.
Ce pays qui abrite un nombre important de migrants et dont la plus haute autorité, à savoir le Roi Mohammed VI a été désignée comme champion de l’Union Africaine en vue de trouver une solution était donc l’endroit idéal. Le 30 mars, le Pape a donc rencontré, un groupe de migrants d’Afrique subsaharienne en situation régulière, au siège de l’association caritative Caritas Maroc à Rabat. Le Souverain pontife a indiqué qu’ « on ne peut pas penser des stratégies de grande portée, capables de donner la dignité, en se limitant à des actions d’assistance envers le migrant».
Aux migrants et aux populations marocaines, il a suggéré qu’« ici il y a un chemin à faire ensemble, comme de vrais compagnons de voyage, un voyage qui nous engage tous, migrants et autochtones, dans l’édification de villes accueillantes, plurielles et attentives aux processus interculturels, des villes capables de valoriser la richesse des différences dans la rencontre de l’Autre ».
Le 31 mars, Sa Sainteté le Pape François a rendu visite à de nombreux membres et bénévoles d’un Centre des œuvres sociales dont le siège se situe dans la commune rurale de Mers El Kheir. Le Chef de l’église catholique y a rencontré des enfants en situation de handicap et a écouté avec peine et attention les différents témoignages de leurs parents qui ont exprimé leur gratitude aux sœurs dirigeantes du centre.