Droit / Convention ILO190 relative à la violence et au harcèlement dans le monde du travail. Le Bénin pourrait ouvrir la voie à la ratification
Ça pourrait désormais être connu comme étant l’“Affaire de l’ORTB” l’Office de Radio et Télévision du Bénin au sein duquel une journaliste a pris le courage de dénoncer tout haut, et au nom de plusieurs autres, une pratique qui devenait normale. Des victimes de harcèlement sexuel dans les lieux de travail existent mais préfèrent garder le silence par peur entre autres de représailles, de discriminations voire de licenciement.
Pire, sont l’impunité et le silence de la justice face à de tels actes. La journaliste béninoise a utilisé son compte Facebook pour dénoncer l’acte coupable dont elle a été victime. L’information est parvenue au chef de l’Etat qui a immédiatement pris ses responsabilités. Patrice Talon, le Président de la République du Bénin s’est dit résolu à mettre fin à cette pratique en commençant par des sanctions sévères à l’endroit des coupables.
“Dans la société moderne que nous nous employons à bâtir au quotidien avec l’ensemble du peuple béninois, les pratiques du genre ne doivent pas avoir droit de cité et ne doivent pas rester impunies” a déclaré le Président Béninois. Le geste “courageux” de dénonciation de la journaliste serait selon lui “ le déclencheur de quelque chose pour faire en sorte que les femmes soient mieux protégées dans notre pays et le gouvernement prendra toute sa responsabilité” a-t-il rajouté.
La violence et le harcèlement dans le monde du travail sont inacceptables et, particulièrement, incompatibles avec le travail décent. Ce faisant, ces actes devaient être combattus. Plusieurs organisations internationales et de la société civile s’activent au quotidien afin de mettre fin à ces pratiques qui se banalisent.
En cette année alors que se célèbre le 25e anniversaire de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, réaliser l’égalité réelle des femmes dans le monde du travail est plus que jamais une exigence. Un Dialogue mondial a été organisé à cet effet en mars 2020 à New-York par le Centre pour le Leadership Mondial des Femmes (CWGL) et l’Université de Rutgers.
L’objectif était d’amplifier la demande de ratification rapide et de mise en œuvre nationale de la Convention 190 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) nouvellement adoptée. Cette nouvelle convention établit un ensemble de normes minimales mondiales pour lutter contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Sa ratification par les gouvernements, suivie de sa mise en œuvre, est une étape cruciale pour garantir les droits fondamentaux des travailleuses du monde entier.
Selon l’OIT, “il s’agit d’une question de droits de la personne qui a un impact sur les relations ayant cours sur le lieu de travail, l’implication des travailleurs, leur santé, la productivité, la qualité des services publics et privés et la réputation des entreprises.”
La violence et harcèlement dans le monde du travail consistent en un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces qui se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, et qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique.
Ce qu’il faut savoir c’est que “la violence et le harcèlement dans le monde du travail peuvent constituer une violation des droits humains ou une atteinte à ces droits, et que la violence et le harcèlement mettent en péril l’égalité des chances et sont inacceptables et incompatibles avec le travail décent” précise l’Organisation.
Les participants à la Réunion d’experts de 2016 sur la violence contre les femmes et les hommes dans le monde du travail ont formulé des
orientations pour la question normative concernant la violence, qui fut examinée lors de la Conférence internationale du Travail, en juin 2018. Celle-ci aura aboutie à l’adoption le 21 Juin 2019, de la Convention sur la violence et le harcèlement, en abrégé Convention 190.
Elle est extraite de la Déclaration de Philadelphie (1944) qui affirme que “tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales”.
Le Bénin pourrait bien évidement par cet acte pris au plus haut niveau de l’Etat dans l’“Affaire de l’ORTB” ouvrir la voie au processus de ratification de la Convention 190. Il deviendrait ainsi le premier pays à s’engager à éradiquer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. L’“Affaire de l’ORTB” intervient au moment où la question de l’autonomisation et de l’emploi des femmes n’est plus à démontrer. Le harcèlement en milieu de travail viendrait certainement affecter le taux d’activité au risque de faire obstacle à l’entrée et au maintien des femmes sur le marché du travail, notamment dans les secteurs et les emplois à prédominance masculine.
Il revient aux pays l’importante responsabilité de promouvoir un environnement général de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement. Sans cette attitude, il deviendrait difficile de prévenir de tels comportements et pratiques. Le Président Talon du Bénin a su prendre la mesure qui s’imposait.