Cameroun: déforestation importée
La Commission européenne repousse à 2026 l’application du règlement.
L’exécutif européen propose de repousser à fin 2025 la mise en œuvre du règlement sur la déforestation importée sous la pression de ses partenaires commerciaux. Une prime aux mauvais élèves alors que les outils étaient techniquement prêts. « Plusieurs partenaires mondiaux ont exprimé à plusieurs reprises des inquiétudes quant à leur état de préparation, la dernière fois lors de la Semaine de l’Assemblée générale des Nations unies à New York. En outre, l’état de préparation des parties prenantes en Europe est aussi inégal. »
C’est ainsi que la Commission européenne justifie sa proposition, révélée ce mercredi 2 octobre, de repousser d’un an, soit au 30 décembre 2025 (30 juin 2026 pour les petites entreprises), l’entrée en vigueur du règlement sur la déforestation importée (RDUE). Ce texte avait été salué comme une petite révolution lors de son adoption définitive en mai 2023. Alors qu’il devait entrer en application le 30 décembre prochain, le règlement a fait l’objet d’attaques de la part d’États, d’organisations professionnelles et d’entreprises qui le perçoivent comme un obstacle aux échanges commerciaux. Son objectif est pourtant vertueux. Il cherche, via un système de diligence raisonnée à la charge des entreprises, à mettre fin à la mise sur le marché européen de six catégories de produits (huile de palme, bétail, soja, café, cacao, bois et caoutchouc) dès lors que leur production a contribué à la déforestation.
Elections européennes
« Cette loi peut reconfigurer les chaînes d’approvisionnements des produits concernés, et ainsi entraîner une diminution de la déforestation mondiale de 10 %. (…) Si cette loi fait ses preuves, elle pourrait s’étendre à davantage de pays et, à terme, éradiquer la déforestation de l’ensemble des chaînes d’approvisionnement », explique l’association Canopée dans un rapport (1) publié le 22 septembre. « Préparation insuffisantes des entreprises » Mais les premières attaques contre le dispositif sont venues de plusieurs États européens eux-mêmes. Reniant leur approbation du texte, une vingtaine d’entre eux ont, en mars dernier, à l’approche des élections européennes et dans un contexte de crise agricole, apporté leur soutien à un appel de l’Autriche en faveur d’un assouplissement de la législation.
Courant septembre, l’Allemagne avait également demandé à l’exécutif européen de reporter de six mois l’entrée en vigueur du texte du fait de la préparation insuffisante des entreprises. Si de nombreuses entreprises et investisseurs ont soutenu le règlement européen, nombreux sont également ceux qui ont estimé que le dispositif n’était pas prêt à entrer en vigueur. En mai dernier, treize organisations professionnelles européennes ont ainsi adressé un courrier à la présidente de la Commission demandant des changements techniques en vue de permettre sa mise en œuvre.
Sur le plan national, une organisation comme le Syndicat national de l’industrie et de la nutrition animale (Snia) a aussi demandé une simplification du dispositif à Bruxelles, notamment sur « les éléments de preuve devant accompagner chaque lot de matières premières » ainsi que sur « les modalités pratiques de contrôle des déclarations de diligence raisonnée ». “ Un lobbying intense des pays produisant les produits de base à risque de déforestation et des géants de l’agrobusiness est à l’œuvre ” Pascal Canfin, eurodéputé. Ce 25 septembre, Danone affirmait encore soutenir fermement cette législation mais, dans le même temps, estimait que sa mise en œuvre était conditionnée à la publication de documents d’orientation par la Commission européenne.
Joseph Kapo