Justice et réparations pour l’Afrique et sa diaspora : les délibérations de la 46ᵉ Session Ordinaire du Conseil Exécutif de l’Union Africaine
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La 46ᵉ Session Ordinaire du Conseil Exécutif de l’Union Africaine (UA) a été inaugurée le mercredi 12 février 2025 à Addis-Abeba, en Éthiopie, sous le thème : « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers les réparations ». Cet événement de haut niveau a réuni les ministres des Affaires étrangères et les hauts responsables des États membres de l’UA pour débattre des enjeux majeurs affectant le continent.
Claver Gatete, sous-secrétaire des Nations Unies et Secrétaire Exécutif de la Commission économique pour l’Afrique, a souligné que : « Nous ne pouvons contester le fait que la traite transatlantique des esclaves et l’exploitation coloniale ont dépouillé l’Afrique de son peuple, de ses ressources et de sa dignité, laissant derrière elles des inégalités qui persistent encore aujourd’hui dans les systèmes financiers mondiaux, les structures commerciales et les institutions de gouvernance ». Il a ajouté : « L’Afrique possède 30 % des réserves mondiales de minéraux, dont 40 % de l’or et jusqu’à 90 % du chrome et du platine. Pourtant, elle ne représente que moins de 3 % du commerce mondial et seulement 1 % de la production manufacturière mondiale ».
Il a conclu : « L’injustice du passé ne doit plus définir l’avenir de l’Afrique. Nous avons les outils, les ressources et la volonté de reprendre le contrôle du destin économique du continent ». Il a aussi mis en avant la nécessité d’une justice réparatrice, non seulement sous forme de compensations financières, mais aussi par des réformes structurelles permettant de corriger les déséquilibres économiques et sociaux hérités de l’histoire.
De son côté, S.E. M. Mohamed Salem Ould Merzoug, Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’Étranger de la République islamique de Mauritanie, a affirmé : « Au moment où mon pays prenait la présidence en exercice, nous avons réaffirmé notre engagement à œuvrer pour l’unité et le développement du continent, en plaçant la solidarité africaine au cœur de notre action ». Il a ajouté : « Les défis auxquels nous faisons face exigent une réponse collective, fondée sur une vision commune et une coopération renforcée entre nos nations », soulignant ainsi l’importance de l’unité pour surmonter les défis communs.
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Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, a déploré la persistance des conflits en Afrique et évoqué les crises graves, notamment au Soudan et en République Démocratique du Congo. Il a affirmé : « Les conflits violents continuent de tuer à grande échelle en Afrique. Le Soudan et l’est de la RDC sont, à tous égards, les théâtres les plus poignants et les plus tragiques ». Il a également mis en garde contre le déclin de la solidarité africaine et du panafricanisme, affirmant que : « L’affaiblissement de la solidarité africaine et de son âme sœur déclinante, le panafricanisme, atténue notre ardeur et réduit la portée et la résonance de notre redéploiement au niveau continental et international ».
Au-delà des compensations financières
Les débats ont largement souligné que la réparation ne devait pas se limiter à des compensations monétaires, mais s’inscrire dans une démarche globale et structurelle.
Réforme des structures financières mondiales : Un appel a été lancé pour une révision du système financier international, afin d’assurer une représentation plus juste des pays africains. Le commerce intra-africain doit également être renforcé, en accélérant la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), favorisant ainsi l’autosuffisance économique.
Valorisation des ressources naturelles : L’industrialisation et la transformation locale des matières premières africaines ont été identifiées comme des priorités, afin de maximiser les bénéfices économiques pour le continent. En outre, l’implication de la diaspora africaine a été jugée essentielle pour stimuler les investissements et le transfert de savoir-faire.
Libre circulation des personnes : La mise en œuvre du Protocole de l’Union Africaine sur la libre circulation des personnes est cruciale pour favoriser les échanges et accélérer l’intégration régionale.
Ainsi, la justice réparatrice a été définie comme une approche holistique, allant bien au-delà des compensations financières et visant à promouvoir un développement autonome et durable pour le continent.
Élections des commissaires de l’UA
L’un des points majeurs de l’ordre du jour a été l’élection de six commissaires pour des portefeuilles stratégiques de l’UA, notamment :
- Agriculture, développement rural, économie bleue et environnement durable
- Développement économique, commerce, industrie et tourisme
- Éducation, science, technologie et innovation
- Infrastructure et énergie
- Santé, affaires humanitaires et développement social
- Affaires politiques, paix et sécurité.
Mise en œuvre de l’Agenda 2063
Les progrès de l’Agenda 2063 ont été examinés, mettant en lumière des priorités essentielles telles que l’industrialisation, l’innovation technologique et la modernisation des infrastructures pour garantir un développement durable du continent.
Paix et sécurité en Afrique
Les conflits persistants en République Démocratique du Congo et au Sahel ont été abordés, avec un focus particulier sur la lutte contre le terrorisme et les coups d’État militaires.
Changement climatique et développement durable
Les participants ont aussi mis en avant l’impact du changement climatique sur les économies africaines, appelant à une justice climatique pour l’Afrique, qui, bien que contribuant peu aux émissions mondiales, subit des conséquences dramatiques.
Allègement de la dette et gouvernance économique
Un plaidoyer a été formulé pour l’allègement de la dette africaine, afin de libérer des ressources pour les secteurs prioritaires tels que la santé et l’éducation. La nécessité d’une gouvernance transparente et du respect des droits de l’homme a également été réaffirmée.
La 46ᵉ Session du Conseil Exécutif de l’UA a réaffirmé l’engagement des États membres en faveur d’une Afrique plus équitable et autonome. Les discussions ont reflété une volonté commune de justice réparatrice pour les injustices passées et ont tracé les bases d’un développement durable et inclusif.
Sylvestre Tetchiada, à Addis-Abeba