L’Afrique veut prendre son indépendance
[quote]La 7e réunion du comité des directeurs généraux des instituts nationaux des Statistiques des États membres de l’Union africaine s’est tenue du 5 au 7 décembre 2013 , à Johannesburg en Afrique du Sud.[/quote]
« Les pays africains ne pourront pas sortir de l’ornière tant que les données statistiques qu’ils utilisent comme référents seront essentiellement fournies par la Banque Mondiale et le FMI. Les chiffres que nous utilisons sont des chiffres que nous ne maitrisons pas alors que nous bâtissons notre développement à partir de ceux-ci. Et ils sont très souvent erronés, les PIB sont sous-évalués ». C’est le cri d’alarme que la communauté des statisticiens africains, qui s’est réunie à Johannesburg en Afrique du Sud du 5 au 7 décembre 2013, a lancé aux gouvernements africains. En effet, la statistique fait partie des instruments de souveraineté d’un État, d’un continent. Elle est au cœur du développe- ment et demeure une ressource indispensable pour l’identification des priorités, la formulation et le suivi des politiques de développement. Or, ces cinquante dernières années, malgré l’accession à l’indépendance des pays africains, ces derniers continuent d’élaborer leurs politiques de développement à partir de données statistiques fournies par l’extérieur et qui ne tiennent, très souvent pas, comptent des réalités du continent. Pire, en Afrique, « chaque pays établit ses propres normes en matière de statistique ». Il existe des pays où les instituts de statistiques sont quasi inexistants quand ce ne sont pas les budgets de fonctionnement qui sont eux-mêmes dérisoires. Bien que dotée de compétences humaines en la matière, l’Afrique ne profite pas assez de ses statisticiens. Selon le Dr Kouassi, du département des Affaires économiques de la Commission de l’Union africaine, « ce n’est pas une bonne chose ». Pour rectifier le tir, les dirigeants africains ont donc décidé, pour ce qui est des 50 prochaines années, d’uniformiser les règles. D’où l’adoption par l’Union africaine d’une charte africaine de la Statistique qui attend d’être ratifiée au cours du prochain sommet des Chefs d’État de l’UA.
Stratégie commune
Les statisticiens africains travaillent pour” par L’Union Africaine travaille à la mise en œuvre de la stratégie d’harmonisation des statistiques du continent. Et pour que cette recommandation de l’UA ne soit un vœu pieux, ils estiment qu’il est temps de « sortir du colonialisme des statistiques ». D’où la réunion du comité des directeurs généraux des instituts nationaux de statistiques. Pendant trois jours, les techniciens de la statistique ont donc échangé sur la « situation et défis liés au développement des statistiques économiques en Afrique » avec pour objectif de « discuter des défis liés à la production des statistiques économiques ; examiner la mise en œuvre de la Charte africaine de la Statistique et de l’harmonisation des statistiques en Afrique, et l’opérationnalisation de l’institut de statistique de l’Union africaine et du Centre panafricain de formation statistique ; et contribuer à la formulation de l’agenda de développe- ment 2063 de l’Afrique ». Au terme de ces travaux organisés par le Commission de l’UA en partenariat avec la CEA et la BAD, la communauté des statisticiens a réaffirmé la nécessité pour l’Afrique de produire ses propres données statistiques, car, « sans les statistiques, l’Afrique est dans l’incapacité d’avancer ». Pour sortir le continent du diktat des statistiques des organisations extérieures, les acteurs ont reconnu l’impérieuse nécessité de l’opérationnalisation de l’Institut de statistique de l’Union africaine prévue pour être basé à Tunis. Ceci pour que l’Afrique puisse enfin sortir de l’ornière. Si les statisticiens africains se réjouissent de l’adoption de la Charte africaine de la Statistique par les chefs d’État, l’autre étape à passer sera celle de sa ratification par tous les pays membres de l’Union africaine. Aussi, avant le sommet de l’UA prévu du 21 au 31 janvier prochain à Addis-Abeba, ils n’ont pas manqué de rappeler aux dirigeants africains l’importance de la Statistique dans la mise en œuvre de l’agenda de développement 2063 de l’Union africaine.
[quote arrow=’yes’]Il existe des pays où les instituts de statistiques sont quasi inexistants quand ce ne sont pas les budgets de fonctionnement qui sont eux-mêmes dérisoires[/quote]
« L’Institut Nelson Mandela des Statistiques »
L’idée de la création d’un Institut africain des statistiques a été proposée par le président tunisien Mohamed Marzouki et approuvée par la Commission de l’Union africaine au cours de son sommet du 28 janvier 2013 à Addis-Abeba en Éthiopie. C’est même l’un des projets phares de la Charte africaine de la statistique adoptée par la Conférence des chefs d’État de l’Union africaine. Cet institut qui aura son siège à Tunis en Tunisie va se charger en autre de la formation de statisticiens africains, afin de palier le faible nombre de statisticiens de qualité sur le continent et l’absence de structures statistiques efficaces, capables de coordonner et de réguler l’activité statistique en Afrique. Sur proposition du Gabon, les participants à la septième réunion du comité des directeurs généraux des instituts nationaux de statistiques des États membres de l’Union africaine ont dédié cet institut à Nelson Mandela. L’ex-président sud-africain est en effet décédé le 5 décembre 2013 alors même que la rencontre de la communauté des statisticiens africains se tenait à Johannesburg. Les participants ont convenu que l’Institut africain de la statistique porte le nom de Nelson Mandela. « Il a très vite compris l’importance de la statistique dans le développement d’un pays et son rôle essentiel dans l’enracinement de la démocratie. Son discours qu’il a livré en 1998 lors des assises de « Statistics South Africa » est d’ailleurs assez édifiant pour les statisticiens. Et nous nous engageons à suivre ses directives. C’est pourquoi nous avons estimé qu’il n’y avait pas meilleur hommage que de lui dédier l’institut africain de la Statistique », ont-ils justifié.
Mireille Patricia Abié