Union africaine : un nouveau leadership pour un continent en mutation
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L’Union africaine (UA) entame une nouvelle ère avec l’élection de Mahamoud Ali Youssouf à la présidence de la Commission africaine. Le ministre djiboutien des Affaires étrangères a su s’imposer au septième tour de scrutin face à Raila Odinga, obtenant 33 voix sur 49. À ses côtés, l’Algérienne Selma Malika Haddadi prend la vice-présidence, succédant à la Rwandaise Monique Nsanzabaganwa. Cette nouvelle gouvernance, qui succède à celle du Tchadien Moussa Faki Mahamat, dont le second mandat s’achève le 15 mars prochain, soulève de nombreuses attentes quant à l’avenir du continent.
Un choix stratégique pour l’UA
L’élection de Mahamoud Ali Youssouf à la tête de la Commission africaine de l’UA traduit une volonté des États membres de miser sur un diplomate expérimenté. Son parcours en tant que ministre des Affaires étrangères de Djibouti depuis 2005 témoigne de son engagement pour le multilatéralisme et l’intégration régionale. Sa victoire face à Raila Odinga, figure politique emblématique d’Afrique de l’Est, illustre également un recentrage de l’Union sur des dynamiques moins politisées et plus technocratiques.
Le choix de Selma Malika Haddadi à la vice-présidence confirme cette orientation. « Diplomate chevronnée et ambassadrice d’Algérie à Addis-Abeba, elle dispose d’une fine connaissance des rouages de l’organisation continentale et du rôle de l’Algérie dans les instances panafricaines », a analysé un diplomate africain. « Son élection pourrait renforcer l’influence de l’Afrique du Nord au sein de l’UA et redynamiser la coopération interrégionale ».
Les défis à relever pour un continent en mutation
Cette transition intervient à un moment clé pour l’Afrique, confrontée à de multiples défis. La sécurité demeure un enjeu majeur, notamment avec l’instabilité au Sahel, la crise en République démocratique du Congo et les tensions en Afrique de l’Est. La nouvelle direction de l’UA devra redoubler d’efforts pour harmoniser les réponses aux crises et renforcer les capacités de l’organisation en matière de maintien de la paix.
Sur le plan économique, l’Agenda 2063, qui ambitionne de transformer l’Afrique en puissance mondiale, nécessite un engagement accru. La mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente une opportunité historique, mais les obstacles administratifs et logistiques persistent. Mahamoud Ali Youssouf devra jouer un rôle clé dans l’accélération de cette initiative en favorisant les partenariats publics-privés et en renforçant la coopération entre les États.
Le défi climatique est également au centre des préoccupations. Le continent africain, bien qu’émettant peu de gaz à effet de serre, subit de plein fouet les effets du changement climatique. La nouvelle gouvernance de l’UA devra mettre en place des stratégies efficaces pour garantir une transition énergétique durable et mobiliser des financements internationaux en faveur des projets verts.
Une gouvernance à la croisée des chemins
Mahamoud Ali Youssouf et Selma Malika Haddadi prennent les rênes d’une institution en quête de renouveau. L’UA est souvent critiquée pour son manque d’efficacité et de réactivité face aux crises politiques et sécuritaires. L’un des défis majeurs sera donc de renforcer la légitimité de l’organisation en améliorant sa gouvernance interne et en instaurant des mécanismes de suivi et d’évaluation des décisions prises.
La réforme du financement de l’UA est une autre priorité. Aujourd’hui encore, l’organisation dépend largement des contributions des partenaires internationaux, une situation qui limite son autonomie. L’introduction d’un mécanisme de financement autonome, basé sur des contributions obligatoires des États membres et des prélèvements sur certaines transactions économiques, devra être accélérée pour garantir une plus grande indépendance financière.
Quelle vision pour l’avenir ?
Le duo Mahamoud Ali Youssouf – Selma Malika Haddadi incarne une approche diplomatique et pragmatique qui pourrait redynamiser l’UA. “Je m’engage à exercer un leadership responsable, à promouvoir la paix et la sécurité, et à renforcer la gouvernance et la démocratie au sein du continent”, a déclaré Mahamoud Ali Youssouf lors du sommet de l’UA à Addis-Abeba.
Le succès de leur mandat dépendra de leur capacité à fédérer les États membres autour d’une vision commune et à insuffler une dynamique d’intégration effective.
L’Afrique est à un tournant. Si cette nouvelle gouvernance parvient à surmonter les obstacles institutionnels et à moderniser l’Union africaine, elle pourrait jouer un rôle moteur dans l’émancipation du continent sur la scène mondiale. Les prochaines années seront décisives pour mesurer l’impact de ces changements et voir si l’UA saura se montrer à la hauteur des aspirations des peuples africains.
Sylvestre Tetchiada, à Addis-Abeba