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March 19, 2024
INTERVIEWS

Mamadi Touré, Ministre des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’Etranger « Il y a eu du retard qu’il faut rattraper pour aboutir à la création des Etats-Unis d’Afrique … »

  • juin 17, 2020
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Mamadi Touré, Ministre des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’Etranger  « Il y a eu du retard qu’il faut rattraper pour aboutir à la création des Etats-Unis d’Afrique … »


Le Professeur Alpha CONDE, Président de la République de Guinée a été élu à la tête de l’Union africaine en janvier 2017. Trois ans plus tard, et en tant que son Ministre des Affaires Etrangères, quel regard portez–vous sur ce passage ?

Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de parler de notre organisation continentale à l’occasion de la célébration de son 57ème anniversaire. L’avènement de Son Excellence Professeur Alpha CONDE à la Présidence de l’Union Africaine est intervenu suite à son choix par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), choix qui a été par la suite entériné par le Sommet de l’Union Africaine (UA). Ce choix, pour nous, a une double signification :

En premier lieu, la reconnaissance du rôle historique joué par la République de Guinée depuis le groupe de Casablanca, jusqu’à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1963 et son engagement pour l’atteinte de l’objectif principal de l’OUA, à savoir la libération totale du continent du joug colonial et l’émancipation des peuples Africains. Ensuite, ce choix est pour nous la consécration du long combat pour la défense de la cause africaine, du panafricanisme, mené depuis les années 60 par le Président Alpha CONDE, quand il assumait la présidence de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF). Trois ans après la fin de ce mandat, nous continuons d’apprécier les nombreuses initiatives et actions réalisées qui constituent aujourd’hui, des jalons importants dans le processus de réformes de notre organisation continentale.

Douze mois, est-ce suffisant pour impulser des changements dans un continent africain qu’on sait très dynamique ? Quels sont les acquis majeurs de la présidence du Professeur Alpha CONDE en 2017 ?

Votre deuxième question est directement liée à la première. En matière de durée à la tête d’un organe au sein d’une organisation, on pourrait dire que douze mois ne sont certainement pas suffisants pour mettre en œuvre toutes les initiatives que l’on porte. Cela dit, il s’agit d’actions séquentielles qui doivent s’inscrire dans la continuité. En homme d’actions et d’expériences, on peut affirmer sans hésitation que le Président Alpha CONDE est arrivé à point nommé à la tête de l’UA qui s’était engagée dans un vaste chantier de réformes hardies aux plans institutionnel, opérationnel, financier, budgétaire ; ainsi que dans la mise en œuvre des programmes phares que sont l’Agenda 2063 « l’Afrique que nous voulons » et la Zone de libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf).Concernant le mandat proprement dit, il convient de rappeler que la présidence de la République de Guinée à la tête de l’Union africaine a eu lieu sous le thème : « Tirez pleinement profit du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ».Pour le Président Alpha CONDE, toute réussite est une œuvre collective. Convaincu de la pertinence du travail d’équipe, il a su mobiliser au cours de sa présidence toutes les énergies pouvant contribuer à l’édification d’une Afrique unie et forte. Ainsi, il a introduit une innovation en désignant des Chefs d’Etat et de Gouvernement « Champions ou Leaders » sur les questions majeures de préoccupation continentale. Quinze (15) de ses pairs ont en charge le suivi et la coordination de ces questions et présentent régulièrement un rapport sur les actions menées pour faire avancer chacun des dossiers. Venant aux acquis majeurs de cette période, je mentionnerais notamment : Le retour du Royaume du Maroc au sein de sa famille Africaine, après une absence de 32 ans ; La coordination de l’Initiative Africaine sur les Energies Renouvelables (AREI) ; La forte implication dans les processus de prévention, de médiation et de résolution des crises à l’échelle du continent ; L’harmonisation de la position des Etats africains dans le combat contre le terrorisme, l’extrémisme violent, la prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre en Afrique ; Le choix de la République de Guinée par l’Union africaine pour abriter le siège du Centre Africain pour le Développement Minier (CADM) ; Le renforcement des positions communes africaines sur les questions d’intérêt continental qui a notamment permis l’élection pour la première fois en 75 ans d’un Africain au poste de Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ; L’impulsion du processus de réforme institutionnelle et financière de l’Union africaine qui permettra de rationaliser les méthodes de travail de l’organisation, et d’améliorer substantiellement son autonomie financière, à travers la mise en œuvre de la Décision de prélèvement de 0,2% sur les taxes d’importation de produits éligibles des Etats membres. En matière de représentation, le Professeur Alpha CONDE a invité ses pairs à prendre personnellement part aux travaux de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et de marquer leur présence pendant les deux jours de réunions. A cet égard il a vivement encouragé la tenue d’un seul sommet en janvier et le remplacement du sommet de juillet par une réunion de coordination dont l’objectif est de passer en revue l’état de mise en œuvre des décisions de l’institution. Comme je l’ai mentionné plus haut, notre organisation internationale ressemble à un édifice qui se construit au fil des années avec la volonté d’unité qui a animé ses fondateurs et les objectifs de progrès économique et social dont sont porteurs les dirigeants actuels.

Excellence M. Mamadi TOURE, les Etats africains commémorent le 25 mai 2020, le 57ème anniversaire de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine. Que répondez-vous à ceux qui pensent que depuis 1963, l’objectif de la réalisation de l’intégration de notre continent a échoué ?

A mon avis, on ne peut pas parler d’échec en faisant le bilan du parcours de notre institution continentale. Nous devons saluer ici et rendre un hommage vibrant à la mémoire des pères fondateurs et pionniers de l’indépendance de nos pays qui ont consenti d’énormes sacrifices pour la mise en place du cadre juridique de l’OUA devenue l’UA, en 2002. Comme vous le savez, l’objectif premier était politique, c’est à dire la libération totale du continent du joug colonial et cet objectif a été pleinement atteint. Quant à elle, l’intégration est un processus évolutif qui a enregistré ces dernières années plusieurs avancées, notamment la prise en compte des Communautés Economiques Régionales comme piliers de l’architecture de l’intégration continentale.  Conformément à l’esprit du Traité d’Abuja, plusieurs actes s’inscrivant dans le cadre de la réalisation de la communauté économique africaine ont été posés. C’est le cas du Marché Unique des Transports Aériens, et de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf). Par conséquent, on ne saurait parler d’échec. Certes, il y a eu du retard qu’il faut rattraper pour aboutir à la création des Etats unis d’Afrique qui sera la concrétisation du rêve des pères fondateurs tels que les Présidents Ahmed Sékou TOURE et Kwame NKRUMAH.

Parlant justement de ces pères fondateurs qui se sont battus tout d’abord pour l’accession de nos pays à la pleine souveraineté internationale et après quelques années, poser les bases de l’unité du continent, notre devoir est d’honorer leur mémoire en nous engageant, génération actuelle et celles futures pour le parachèvement de leur idéal.

Certes, il y avait parmi eux des visionnaires, des panafricanistes engagés qui ont envisagé déjà en 1965 la création d’institutions communes à l’échelle continentale comme la Banque centrale africaine et une armée africaine. Aujourd’hui, il va sans dire que le contexte international a profondément changé. En effet, les relations internationales sont caractérisées par de nouveaux paradigmes qui mettent les leaders Africains et leurs pays devant des phénomènes à la fois endogènes et exogènes tels que le terrorisme, la criminalité transfrontalière, le trafic de drogue et les flux financiers illicites. Ceci étant, le salut de l’Afrique réside toujours dans son unité et le combat pour son intégration effective doit continuer par la mise en commun de ses potentialités et immenses ressources naturelles, tout en tirant davantage profit de la jeunesse et du dynamisme de ses populations. Force est de reconnaître que nos dirigeants actuels ne ménagent aucun effort pour la pérennisation des idéaux des pères fondateurs. Malgré notre diversité, nous parvenons à parler d’une seule voix quand il s’agit de la défense des intérêts du continent sur la scène internationale.


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Hommes d'Afrique Magazine

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