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April 19, 2024
EDITORIAL

ÉTAIT-IL DIT QUE JUIN SERA UN MOIS MAUDIT POUR MARCUS GARVEY ?

  • juin 4, 2019
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ÉTAIT-IL DIT QUE JUIN SERA UN MOIS MAUDIT POUR MARCUS GARVEY ?

Le 19 juin 1923, Marcus Garvey envoya un message aux « peuples noirs du monde ». Il se trouvait alors incarcéré à la Tombs Prison. « Tombs Prison » est le sobriquet attaché au complexe carcéral situé au sud de Manhattan, dans la ville de New-York aux USA. Quelle était sa faute ?

Aucune, si ce n’est d’avoir essayé d’organiser les Noirs en Amérique, dans le monde. Et d’avoir, à juste titre et sans peur, réclamé « l’Afrique pour les Africains », à un moment où les Blancs violaient l’Afrique, y exerçaient la plus féroce exploitation des hommes, le plus abject des pillages.

La justice blanche infiltra un Juif auprès de Garvey pour le faire tomber. Dans son message, Garvey précise :

« La particularité et le plus étonnant de toute cette affaire sont que je suis puni pour le crime du Juif Silverstone, qui pendant mon absence aux Antilles a pris 36 000 dollars US de l’argent de la Black Star Line, sans pouvoir en rendre compte, et qui a causé la ruine de cette entreprise. »

Il n’est pas inintéressant de retenir cette capitale information que nous livre Marcus Garvey lui-même, le fondateur de la Black Star Line : c’est un Juif, du nom de Silverstone, qui a ruiné la Black Star Line, en volant 36 000 dollars US de l’argent de cette entreprise maritime phare des Noirs du monde entier.

A-t-il volé cet argent avec la complicité du FBI d’Edgar Hoover, qui inventa de fausses accusations contre Marcus Garvey ? C’est possible. La justice américaine a-t-elle laissé le voleur jouir de son butin ? C’est possible aussi. Peut-être a-t-elle même récompensé ce voleur pour son vol, la ruine de la Black Star Line et surtout l’arrestation, l’emprisonnement puis l’expulsion de Garvey du territoire américain.

Garvey continue: « Un autre Juif, Maxwell Mattuck, m’a poursuivi en justice, et le juge Julian Mack, l’éminent juriste juif, devrait me condamner. » Prenant des accents bibliques comme cela lui arrivait souvent, Garvey s’exclame alors : « En vérité, je peux dire : ‘Je descendais le Jéricho et je tombais entre amis. »

Comment s’est comporté le jury ? Il ne s’agissait plus de justice, mais d’une parodie de celle-ci, le verdict des jurés, tous des racistes primaires, était connu d’avance.

C’est en toute lucidité, prenant de la hauteur malgré l’injustice qu’il subit depuis le début du procès, que Marcus Garvey écrit, fixant du regard chacun des jurés, qui eux baissaient la tête, car ils savent l’immondice de leur condamnation :

« Le jury est resté dehors pendant onze heures après avoir été dirigé deux fois par un juge habile. Après le verdict, aucun membre du jury ne pouvait me regarder en face. Je suis désolé pour ces douze hommes, car l’innocence de mon âme reposera sur eux et hantera leur conscience au cours des années à venir. »

Marcus Garvey termine son message par cette conclusion qui résonne encore aujourd’hui, dans un monde où l’injustice accable les Noirs dans les sociétés à majorité blanche, et même, hélas, en Afrique :

« Mon travail ne fait que commencer et, tout en donnant ma vie pour la cause de mon peuple, je sens que les générations futures seront inspirées par le sacrifice que j’ai fait pour la réadaptation de notre race. Christ est mort pour libérer les hommes, je mourrai pour donner du courage et de l’inspiration à ma race. »

Pourquoi Hommes d’Afrique magazine rappelle aujourd’hui ce message de Garvey. D’abord, parce que cet important texte est très peu connu. Ensuite pour fêter le 96ième anniversaire de ce message ce mois de juin 2019. Enfin pour montrer un cas typique de l’appareil judiciaire américain contre les Noirs.

En 2014, il y avait 2,3 millions d’Africains Américains en prison aux USA. Ceux-ci représentaient 34 % de la population carcérale totale, alors que toute la population noire ne représente que 12 % de la population totale des USA.

Les Africains Américains sont incarcérés plus de cinq fois que les Blancs.

Le taux d’emprisonnement des femmes africaines américaines est le double de celui des femmes blanches.

Les enfants africains américains représentent 32 % des enfants arrêtés, 42 % des enfants détenus, et 52% des enfants jugés par des cours criminelles (https://www.naacp.org/criminal-justice-fact-sheet/).

Certes, il y a des criminels dans la société africaine américaine, mais tout observateur objectif reconnaîtra que les statistiques ci-dessus révèlent le biais anti-Noirs de la « justice » des USA.

Le procès de Garvey s’acheva le 23 juin 1923. Il fut condamné à cinq ans de prison et à payer une amende de 1 000 dollars. Il passa trois mois à la prison des Tombeaux, avant d’obtenir une libération sous caution. Ses demandes d’appels, renouvelées pendant plus d’un an et demi, furent toutes rejetées. Le 8 février 1925, il fut jeté à la prison fédérale d’Atlanta en Géorgie.

Deux jours plus tard, il envoya son « Premier message aux Nègres du monde à partir du pénitencier fédéral d’Atlanta ». C’est

dans ce message qu’il dit ces paroles prophétiques devenues instantanément célèbres :

«Cherchez-moi dans le tourbillon ou la tempête, cherchez-moi tout autour de vous, avec la grâce de Dieu, je viendrai avec d’innombrables millions d’esclaves noirs décédés en Amérique et aux Antilles et des millions en Afrique pour vous aider dans la lutte pour la liberté, la liberté et la vie.»

Le président Calvin Coolidge commua la peine de Garvey. Libéré en novembre 1927, il est immédiatement expulsé vers la Jamaïque, en passant par la Nouvelle Orléans où il prit un bateau. Une immense foule l’accueille et l’acclame quand il arrive au quai d’Orrett à Kingston en Jamaïque.

Le 10 juin 1940, Garvey meurt à Londres. Ce décès intervient 13 jours avant le 17e anniversaire de la fin, on l’a vu le 23 juin 1923, de l’inique procès. 9 jours avant le 17e anniversaire du message qu’il envoya de la prison des Tombeaux, le 19 juin 1923. Était-il dit que juin sera un mois maudit pour Marcus Garvey?

Quoi qu’il en soit, à l’occasion du 79e anniversaire de sa mort, Hommes d’Afrique Magazine, en lui consacrant cet éditorial, et en insistant sur lui dans la rubrique « C’était en… », rend un Grand Hommage à Marcus Mosiah Garvey, père du Panafricanisme

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