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April 26, 2024
FOCUS

Union européenne – Afrique Quel partenariat ?

  • avril 16, 2014
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Union européenne – Afrique Quel partenariat ?

[quote]Des experts africains et européens en ont débattu lors la conférence “les vendredis de la commission”[/quote]

Jamais nous ne nous excuserons pour notre défense des droits de l’homme” déclare Gary Quince, ambassadeur de l’Union Européenne (UE) auprès de l’Union Africaine (UA) à Addis-Abeba. Il s’adresse aux participants à la conférence “les vendredis de la commission” que le départe- ment économique de l’UA et l’ECDPM (European Center for Development Program Management), un think tank basé en Hollande, ont coorganisé le 28 février dernier au siège de l’UA à Addis-Abeba. L’ambassadeur européen réplique ainsi à des Africains qui dans l’audience, qui l’ont pris à partie pour sa défense des droits de la communauté LGBT. Ceux-ci se rebellent contre ce qu’ils considèrent être un “impérialisme culturel” de l’Europe et des USA, lesquels “veulent imposer l’homosexualité à l’Afrique”. “Où est le respect de notre souveraineté”, demande un participant.

Le débat s’anime. Il s’animera à de nombreuses reprises, notamment à propos de la Cour Pénale Internationale contre laquelle se dressent plusieurs États africains ainsi qu’une large part de la population africaine qui accuse cette cour de biais anti-africain, et à propos des Accords de Partenariat Économique que l’Europe presse l’Afrique de signer, mais que l’Union Africaine considère défavorable à l’Afrique. A plusieurs reprises, durant les exposés ou dans les questions posées par l’audience, l’énerve- ment, l’échauffement était perceptible. Mais le Dr René Kouassi, Directeur du Département Économique de l’UA et à ce titre l’un des deux principaux organisateurs de cette conférence qui a duré toute une journée, a chaque fois su calmer le jeu.

“Nous sommes le 28 février 2014, à un mois du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE et de l’Afrique, qui se tiendra à Bruxelles, les 2 et 3 avril prochain”. Il rappelle les règles des conférences des “Vendredis de la Commission”, cadre dans lequel s’inscrit cette conférence du vendredi 28 février. “Les sujets sont débattus sans tabou, les idées même les plus audacieuses peuvent être émises, mais dans un esprit constructif soucieux plus d’échange que de volonté d’enrôler qui que ce soit dans ses convictions”.

Il rappelle dans un esprit consensuel, le thème de ce sommet UE – Afrique, le quatrième sommet de ce genre: “Deux unions, une vision”. Les trois précédents sommets ont successivement eu lieu au Caire, à Lisbonne et à Tripoli en Libye. Pour une large part, l’audience est composée d’ambassadeurs des États Africains auprès de l’UA. Dans la solennelle salle de l’ancien siège de l’UA, ces diplomates, profitant du contexte informel et ouvert qu’offre le concept même des “Vendredis de la Commission”, ne se sont pas retenus pour dire quelques vérités au “donneur de leçons européen” qui veut “distraire l’Afrique avec cette question d’homosexualité alors que les Africains doivent concentrer leurs efforts pour résoudre des questions de développement infiniment plus importantes et des problèmes de sécurité extrêmement pressantes”.

Partagent ce point de vue, des professeurs d’universités éthiopiennes nombreux avec leurs étudiants dans l’assis- tance. Ces derniers sont les plus virulents contre “l’impérialisme et l’hypocrisie” occidentales. “Que l’Europe et les États-Unis d’Amérique gardent pour eux leur argent”, dit une étudiante, en évoquant les sanctions européennes et américaines contre l’Ou- ganda dont le Président Yoweiri Museveni a récemment signé le décret d’application d’une loi anti-homosexuelle que le parle- ment avait voté. “Museveni a raison!” Ayant senti un début d’emballement, René Kouassi qui est le modérateur des discussions, poursuit en recadrant diplomatiquement le débat sur le thème de la conférence: l’avenir des relations entre l’Union Africaine et l’Union Européenne. “Chers amis, ce sont les idées qui mènent le monde. Nous sommes ici pour essayer de trouver les idées qui amélioreront les relations entre l’Afrique et l’Europe, des relations qui doivent être gagnant-gagnant”. La conférence est organisée autour de trois sessions.

La première a fait le bilan des relations Europe-Afrique depuis une décennie, examinant les points faibles de celles-ci et proposant des solutions. Les intervenants ont abordé les questions suivantes: comment a évolué le partenariat Europe- Afrique depuis le sommet EU-Afrique du Caire en 2000 et surtout depuis celui de Lisbonne en 2007 ? Adoptée à ce sommet de Lisbonne, la JAES (Joint Africa-EU Stratégie, Stratégie Commune Afrique – UE) a-t-elle tenu les grandes promesses placées en elle ? La deuxième était centrée sur la Cour Pénale Internationale, et les avis contrastés de l’Europe et de l’Afrique par rapport à cette cour. La troisième avait une vision prospective, invitant les participants à imaginer les directions qu’il faut prendre pour justement réaliser dans la prochaine décennie, ce que le docteur Kouassi appelle “relations gagnant-gagnant” entre l’Afrique et l’Europe. Venu des Pays-Bas, Geert Laporte directeur adjoint de l’ECDPM, a fait l’une des interventions les plus remarquées. Il a commencé en soulignant l’indépendance de l’ECDPM, laquelle garantit la qualité de ses recherches. Contrairement à ce que pour- rait laisser entendre le sigle, “L’ECDPM n’appartient pas à l’Union Européenne et n’est sous la dépendance ni de l’Union Européenne ni d’aucune des institutions de cette union.

[quote arrow=’yes’]“Jamais nous ne nous excuserons pour notre défense des droits de l’homme” Gary QUINCE[/quote]

L’ECDPM est une fondation totalement indépendante qui se voit, pour la partie de son travail couvrant l’Afrique, comme un courtier ayant pour but de favoriser les relations UE-UA (“broker of EU-AU relations”)”. Geert Laporte se dit lui aussi partisan d’un débat sans tabou entre Africains et Européens, car “seul un tel débat permet de lever des quiproquos et favorise un climat sinon de confiance, du moins de compréhension mutuelle”. Avec la même franchise, Laporte a parlé des Accords de Partenariat Économiques (APE) lesquels sont depuis des années, une grosse discorde entre l’UA et l’UE. Selon lui, les APE sont l’exemple type d’un “désastre diplomatique pourtant nourri au départ de bonnes intentions”. Les responsabilités sont partagées.

L’Europe a eu le double tort d’une part de penser qu’elle connaît mieux que les Africains, ce qui leur est bien, et d’autre part de vouloir leur imposer ces APE comme un ensemble qu’il faut “tout prendre en bloc ou tout laisser”. Agissant ainsi, l’Europe a montré, ajoute Laporte qu’elle n’a pas compris que les “Africains sont fatigués de voir l’Europe continuer à se comporter en tuteur”. Le tort des Africains est aussi double. D’abord, observe Laporte, le mythe de l’union africaine: l’Afrique ne parle pas d’une seule voix. Certes il y a l’UA, mais l’on entend diverses voix venant d’Afrique, en dissonance avec l’UA. Il y a ainsi les voix des Communautés Économiques Régionales, par exemple la CEDEAO en Afrique de l’ouest, la SADC en Afrique australe, la CEMAC en Afrique centrale; ECA en Afrique de l’Est, l’UMA en Afrique du nord. Amplifiant la dissonance, il y a les multiples voix de chacun des 54 états de l’Afrique lesquels retiennent chacun leur souveraineté absolue, de sorte que l’UA ne peut rien imposer à aucun de ses États membres. Réunis au sein de l’UA, ces États peuvent s’accorder sur une position commune. Mais, comme ces positions n’ont jamais de nature contraignante ou même directive, tout État africain peut, le lendemain de la décision agir dans le sens opposé à cette décision.

C’est ce qui s’est passé avec les APE. La position commune adoptée au sein de l’UA est que la formulation actuelle des APE étant défavorable à l’Afrique, aucun État africain ne doit signer ces APE. Pourtant, plusieurs États africains, rompant avec cette position, qui est pourtant la leur au sein de l’UA, ont annoncé leur intention de signer ces APE. L’autre tort africain selon Laporte relève de l’incohérence. Par exemple, l’Afrique clame partout qu’elle est majeure, que l’Europe doit cesser de la traiter comme un être inférieur, assisté. Or, la même Afrique, au lieu de déduire de cette majorité revendiquée les conclusions qui s’imposent, dont celle de l’autofinancement, vient tout le temps tendre la main, quémandant l’aide européenne. Il est nécessaire, conclut Laporte, que les relations Afrique – Europe évoluent au- delà de l’aide et deviennent un partenariat d’acteurs qui se respectent véritable- ment, qui travaillent main dans la main pour leurs progrès partagé.

Il ne doute pas de l’avènement de cette évolution; il sait déclare-t-il à l’encontre d’une opinion répandue en Europe que “l’Afrique est un continent non de menaces mais d’opportunités”, à condition que l’Afrique sache se réformer, notamment pour lever en interne les ressources de son développement tout en engageant des politiques de redistribution qui seules assurent la cohésion sociale d’une nation ou d’un groupe de nations.

Samirat NTIAZE

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